Elections municipales 2014 : quelles conséquences pour les communes sans candidat ?

Les élections municipales se dérouleront les dimanches 23 et 30 mars 2014. Si 926068 candidatures ont été enregistrées par les préfectures, 64 communes n’ont aucun candidat, après échéance de la date butoir de dépôt des candidatures (jeudi 6 mars à 18 heures). C’est l’occasion de s’intéresser à cette situation atypique de la vie communale, et ses conséquences.

En l’absence de candidats, l’élection n’est pas organisée. Par suite, le Préfet doit nommer une délégation spéciale chargée, principalement, d’organiser de nouvelles élections (I). Dans l’hypothèse de blocages répétitifs, le Préfet pourrait engager la procédure de dissolution de la commune par fusion (II).

I. La nomination d’une délégation spéciale

Dans l’hypothèse d’une absence totale de candidat au scrutin municipal, le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), prévoit la nomination d’une « délégation spéciale » chargée de remplir les fonctions du conseil municipal (Article L2121-35 du CGCT). Une telle délégation spéciale est nommée par arrêté préfectoral dans un délai de 8 jours à compter de la constatation de l’impossibilité de constituer le conseil municipal (soit, en pratique, pour les communes concernées, en fonction des circonstances locales, au plus tard le lundi 31 mars 2014 ou le 7 avril 2014) (Article L2121-36 du CGCT). A noter toutefois qu’un tel délai de 8 jours n’est qu’indicatif, et n’emporte aucune incidence sur la légalité de l’arrêté préfectoral, que l’arrêté intervienne avant (CE, 12 janvier 1912, Mondolini), ou après (CE, 29 mai 1974, Hoarau) l’expiration du délai.

La délégation est composée de (Article L2121-37 du CGCT) :

    • Trois membres dans les communes de moins de 35 000 habitants,
    • Et sept membres maximum dans les communes de plus de 35 000 habitants.

Il convient de préciser que le CGCT ne pose aucunes conditions relatives aux personnes pouvant être désignées par le Préfet pour faire partie de la délégation : la composition de la délégation est donc libre, la nomination d’anciens membres du conseil municipal étant même admise en jurisprudence (CE, 3 avril 1968, Papin).

La délégation élit en son sein son président qui remplit les fonctions de maire (Article L2121-36 du CGCT).

Les pouvoirs de cette délégation spéciale, nommée le Préfet, sont limités aux actes de pure administration conservatoire et urgente de la commune (ce qui exclut notamment la préparation du budget communal, ou la modification du personnel ou du régime de l’enseignement public dans la commune). Il n’est par ailleurs pas permis à la délégation d’engager les finances municipales au-delà des ressources disponibles de l’exercice courant (Article L2121-38 du CGCT).

En pratique, la mission première de la délégation spéciale consistera bien entendu à organiser de nouvelles élections partielles à venir, pour remédier à la situation de blocage de la vie communale.

Jusqu’en 2009, le CGCT prévoyait un délai maximum de deux à trois mois (en fonction de la situation d’espèce) pour l’organisation des nouvelles élections. Le CGCT a toutefois été modifié sur ce point par l’ordonnance n°2009-1530 du 10 décembre 2009, et se borne aujourd’hui à disposer que « les fonctions de la délégation spéciale expirent de plein droit dès que le conseil municipal est reconstitué » (sans délai préfix) (Article L2121-39 du CGCT). Une jurisprudence constante et très ancienne du Conseil d’Etat considère toutefois que les électeurs doivent être convoqués aux urnes dans un délai maximum de deux mois par la délégation spéciale (CE, 7 août 1885, La Bâtie-Montgascon).

Si les élections partielles sont infructueuses, une nouvelle délégation spéciale pourra être désignée, pour organiser à nouveau des élections. Toutefois, dans l’hypothèse d’un blocage total, à répétition, le Préfet serait contraint d’engager la procédure de dissolution de la commune, par fusion.

II. La dissolution de la commune

Une situation de blocage total de la vie communale, par impossibilité d’élire un maire et son conseil municipal, malgré l’intervention de délégation(s) spéciale(s), contraindrait le Préfet à envisager la dissolution de la commune concernée, par fusion avec d’autres communes.

Conformément aux dispositions de l’article L. 2113-2 4° du CGCT, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, le Préfet peut en effet toujours initier la procédure de création d’une commune nouvelle en lieu et place de communes contiguës (fusion).

Dans une telle hypothèse, la création de la nouvelle commune est toutefois subordonnée à l’accord des deux tiers au moins des conseils municipaux des communes intéressées, représentant plus des deux tiers de la population totale de celles-ci. Or, comme il a été vu, les pouvoirs de la délégation spéciale nommée par le Préfet dans les communes où aucun candidat ne s’est présenté, sont limités aux actes de pure administration conservatoire et urgente de la commune (Article L2121-38 du CGCT).

Ainsi, si la procédure de création d’une commune nouvelle, par fusion de plusieurs communes contiguës, demeure juridiquement envisageable, il semble toutefois, en pratique, que cette procédure pourrait difficilement aboutir (difficulté de recueillir les seuils et majorités requis par le CGCT).

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Une telle situation atypique dans la vie communale doit nous amener à nous interroger sur les raisons de cette crise de(s) vocation(s). Si l’extension du scrutin de liste et de l’obligation de parité, ainsi que l’obligation de déclarer toutes les candidatures (impossibilité de voter pour une personne non candidate) constituent autant de facteurs ayant pu contribuer à la présente situation de pénurie de candidats, force est de constater que la fonction de maire n’a plus le même attrait aujourd’hui. Le transfert de compétences toujours plus nombreuses aux intercommunalités, ainsi que la responsabilité juridique inhérente à la fonction d’élu local peuvent à notre sens expliquer en partie ce désamour des candidats pour le scrutin municipal dans les petites communes. Il serait sans doute pertinent de s’interroger sereinement sur l’avenir de la fonction de maire, dans un contexte de regroupement intercommunaux toujours plus vastes, aux compétences toujours plus élargies.

Voir aussi :

Pierrick Gardien
Avocat Droit Public
Barreau de Lyon

Ligne directe : 07.64.08.45.41

pierrick.gardien@avocat-conseil.fr

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2 commentaires pour Elections municipales 2014 : quelles conséquences pour les communes sans candidat ?

  1. Ping : Elections locales : rien ne justifie la « prime à l’ancienneté » | Pierrick Gardien

  2. AUDREY GRASSIONOT dit :

    Bonjour

    Il y a un problème de mise en page à l’impression : les phrases sont coupées.

    Audrey GRASSIONOT, sous-préfecture de Soissons

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