Le maire peut-il organiser un référendum local sur l’accueil de migrants dans sa commune ?

Le démantèlement programmé de la « jungle » de Calais pose la délicate question de la répartition de ses quelques 10.000 occupants dans les régions françaises. Le plan « Cazeneuve » propose une répartition de ces migrants dans les communes, en adéquation avec les capacités d’accueil de ces dernières, ce qui n’est pas sans susciter une forte opposition locale.

C’est dans ce contexte que le maire d’Allex (Drôme), une commune de 2.500 habitants, a souhaité organiser un référendum local sur l’accueil de 50 migrants envoyés par l’Etat sur le territoire de sa commune. Si l’opportunité politique d’une telle consultation se comprend aisément, se pose nécessairement la question de sa légalité juridique.

Le référendum local est encadré par l’article 72-1 de la Constitution, précisé par les articles LO1112-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales (CGCT), qui prévoient une procédure assez simple :

  • L’exécutif local est seul compétent pour proposer à l’assemblée délibérante de la collectivité l’organisation d’un référendum local,
  • L’assemblée délibérante fixe par délibération les modalités d’organisation du référendum local, le jour du scrutin, convoque les électeurs et précise le projet d’acte ou de délibération soumis à l’approbation des électeurs,
  • La délibération est transmise au Préfet (en charge du contrôle de légalité),
  • Le scrutin ne peut intervenir moins de deux mois après cette transmission,
  • Le projet est adopté si la moitié au moins des électeurs inscrits a pris part au scrutin, et s’il réunit la majorité des suffrages exprimés,
  • Si le projet est adopté, la collectivité est tenue de suivre la décision des urnes (le référendum est décisionnel et non consultatif, ce qui le différencie de la simple consultation locale).

Tout projet ne peut toutefois pas donner lieu à référendum local dans la mesure où le champ d’application de telles consultations est limité par la loi :

  • Le projet soumis à référendum doit relever de la compétence de la collectivité qui l’organise,
  • Et le projet ne peut pas être de nature à compromettre l’exercice d’une liberté publique ou individuelle.

Au cas d’espèce, le maire de la commune d’Allex a proposé à son conseil municipal, qui l’a accepté, d’organiser un référendum local sur l’accueil de migrants dans la commune, respectant ainsi la procédure susvisée du CGCT en la matière. Toutefois, il ne fait aucun doute que l’hébergement d’urgence (compétence dont relève l’accueil de migrants sur un territoire) est une compétente étatique, qui ne relève donc pas de la compétence de la commune, malgré la décentralisation.

Saisi en urgence par le Préfet de la Drôme, le Tribunal administratif de Grenoble a donc logiquement suspendu l’organisation du référendum local prévu à Allex, pour violation d’une condition de fond du référendum local, posée par le CGCT.

L’exemple d’Allex démontre ainsi, s’il était besoin, que le maire ne peut pas, en l’état actuel du droit, organiser de référendum (décisionnel) local sur l’accueil de migrants dans sa commune.

Seule une évolution législative pourrait changer la donne en la matière en élargissant les possibilités de recours, pour l’exécutif local à ce procédé de démocratie directe, ou en permettant à l’Etat d’organiser des consultations locales sur tous sujets (la compétence de l’Etat étant limitée en la matière aux grands projets avec un impact environnemental, comme à Notre-Dame-des-Landes).

Nul doute que cette impasse juridique ne calmera pas les tensions sur l’accueil des migrants à l’échelon local.

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Retrouvez mon intervention sur ce sujet sur Radio classique : 

Pierrick Gardien
Avocat Droit Public
Barreau de Lyon

Ligne directe : 07.64.08.45.41

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