Les nouvelles règles applicables à l’emprunt des collectivités publiques

Appréhendé avec méfiance par certains responsables publics, l’emprunt ne peut, en soi, être considéré comme nécessairement néfaste pour les finances des collectivités territoriales. En effet, une collectivité non endettée se trouve souvent dans une situation préoccupante : soit elle n’investit pas assez, avec un risque corrélatif de sous-équipement de son territoire, soit la fiscalité locale y est trop élevée. L’emprunt public doit toutefois être raisonné, le triste précédent des « emprunts toxiques » ayant démontré par l’absurde les conséquences dévastatrices que peuvent avoir des contrats mal négociés sur les finances locales (avec un risque, in fine, de paralysie de l’action publique).

La loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, qui fait directement écho à ce qu’il est coutume d’appeler la « crise financière », a introduit en droit français un certain nombre de nouvelles dispositions relatives aux conditions d’emprunts des collectivités territoriales auprès des établissements de crédits.

Un certain nombre de dispositions de nature à encadrer le recours à l’emprunt par les collectivités préexistaient à la loi du 26 juillet 2013. Ainsi de l’encadrement de l’objet de l’emprunt (qui ne peut avoir pour seul objet que de financer des dépenses d’investissement, et non de fonctionnement, des collectivités territoriales), de l’obligation de respecter le taux de l’usure (article L.313-3 du Code de la consommation), de l’obligation de mentionner le taux effectif global (TEG) dans le contrat de prêt (article L.313-2 du Code de la consommation), ou encore des règles de procédure et de forme applicables à la décision de l’assemblée délibérante de recourir à l’emprunt.

La loi du 26 juillet 2013 apporte des compléments à ce corpus prudentiel préexistant.

Le principal apport de la loi est de réglementer la pratique de l’emprunt auprès des établissements de crédit par l’insertion :

En premier lieu, la loi du 26 juillet 2013 prévoit que l’emprunt doit être libellé en euros ou en devises étrangères. Dans ce dernier cas, afin d’assurer une couverture intégrale du risque de change, un contrat d’échange de devises contre euros devra toutefois nécessairement être conclu lors de la souscription de l’emprunt pour le montant total et la durée totale de l’emprunt.

En deuxième lieu, la loi prévoit que le taux d’intérêt du contrat d’emprunt peut être fixe ou variable. Dans le cas d’un emprunt à taux variable (contrat à risque financier élevé), un décret en Conseil d’Etat déterminera précisément les indices et les écarts d’indices autorisés pour les clauses d’indexation des taux d’intérêt variables.

Enfin, en troisième lieu, la loi de séparation et de régulation des activités bancaires dispose que la formule d’indexation des taux variables devra toujours répondre à des critères de simplicité ou de prévisibilité des charges financières des cocontractants (collectivités territoriales, groupements de collectivités, SDIS, etc.). Les conditions d’application de cette disposition, qui vise très clairement à armer les collectivités pour des contentieux futurs avec des établissements de crédit, seront également fixées par décret en Conseil d’Etat.

Ces trois dispositions vont, à notre sens, dans le bon sens, dans une optique de réduction du risque financier pour les collectivités. Nous attendons le décret annoncé par la loi avec grand intérêt, et ne pouvons qu’espérer une publication rapide de ce texte d’application. Nous ne pouvons toutefois que regretter que les contrats d’emprunts des collectivités soient toujours exclus du champ d’application du Code des Marchés Publics, et de toute obligation de publicité et de mise en concurrence. Là réside une réelle protection des collectivités quant aux risques liés à l’emprunt.

Pierrick Gardien
Avocat Droit Public
Barreau de Lyon

Ligne directe : 07.64.08.45.41

pierrick.gardien@avocat-conseil.fr

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